La concurrence est rude sur le marché des céréales
La nouvelle récolte et les conditions météorologiques sont de plus en plus présentes dans les discussions sur les matières premières agricoles.
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Les estimations de production et de surface rentrent dans les décisions des opérateurs. La concurrence reste présente dans le commerce mondial, ce qui entraîne des annulations de dernières minutes en blé et une recherche de nouveaux débouchés pour les grains français.
Blé : hausse des stocks de fin de campagne en France
Le commerce mondial du blé fait machine arrière en raison des annulations et reports chinois. La Chine a déjà annulé 500 000 tonnes de blé américain et a retardé 1 million de tonnes de blé australien. La France ne fait pour le moment pas mention de ces annulations mais la situation pousse à la vigilance.
FranceAgriMer a rehaussé de son côté les stocks de fin de campagne français de 230 000 tonnes par rapport à février. La taille du stock affiche un niveau au plus haut depuis 19 ans, à 3,74 millions de tonnes. La baisse du potentiel à l’exportation vient ainsi alourdir ce bilan, avec des volumes vers l’Union européenne qui seraient en baisse de 120 000 tonnes et ceux vers les pays tiers en recul de 100 000 tonnes. Ces fortes disponibilités présentes en Europe limitent ainsi le potentiel de hausse des prix. D’ailleurs, les prix du blé rendu Rouen ont prolongé leur rebond de la semaine passée jusqu’à 188,5 €/t mais termine la semaine à 184,5 €/t, soit +2 €/t par rapport au vendredi 8 mars 2024.
Dans le même temps, le dernier rapport du ministère de l’Agriculture américain (USDA) fait transparaître la forte concurrence présente entre les blés européens. Les exportations ukrainiennes sont rehaussées de 1 million de tonnes, à 16 millions de tonnes. De même, la production russe est réévaluée à 91,5 Mt, de quoi compenser les pertes prévues sur la nouvelle campagne de l’Europe occidentale.
En effet, tous les regards se portent vers la nouvelle récolte. Les conditions en France se dégradent avec 66 % de cultures en bonnes à excellentes conditions contre 68 % la semaine passée et 95 % l’an dernier à la même période. StatsCan, l'office canadien, publie de son côté sa première estimation de surface pour la récolte de 2024. Celle-ci est attendue en blé une fois les surfaces de blé dur exclues à 20,70 millions d'acres, soit une baisse de 1,4 % par rapport à la précédente campagne.
Les prévisions météorologiques de l’Inde sont également préoccupantes. En fin de cycle, la production indienne doit faire face à une forte vague de chaleur. Des températures sont attendues à plus de 40°C dans les quinze prochains jours. Toute baisse de production dans le pays pourrait amener de la tension sur le marché au vu des stocks indiens qui pourraient chuter à leur plus bas niveau depuis 16 ans, à 9 millions de tonnes, selon les dernières estimations de l'USDA.
Nouvelle concurrence internationale sur les orges
Malgré un regain de dynamisme des acheteurs chinois sur les marchés agricoles, les orges françaises continuent à chercher des débouchés. La demande locale est en effet gelée par l’affluence des céréales ukrainiennes dont les prix sont très compétitifs. Du côté de la demande internationale, la concurrence se fait sentir notamment quand il s’agit de se faire une place dans les carnets de commandes chinois.
En effet, depuis le mois de janvier, la France a vu un nouvel acteur apparaître sur ce marché puisque l’Argentine peut vendre ses orges à la Chine. Ce nouvel exportateur homologué combiné au renouement diplomatique entre l’Australie et la Chine marque un nouveau niveau de concurrence sur la scène internationale. Les prix français, qui s’étaient raffermis avec le retour des achats chinois la semaine passée, se replient en perdant 6 €/t en cette fin de semaine, à 169,5€/t, sur la récolte de 2023 rendu Rouen base juillet.
Du côté de la nouvelle récolte, les travaux reprennent progressivement avec 39 % des orges de printemps semées contre 28 % la semaine dernière, selon France AgriMer. Néanmoins, cela ne retire en rien le caractère alertant de la situation puisqu’à cette même date l’an passé les semis étaient achevés. Il faut remonter à 2020 pour voir ce niveau de retard de semis, la production avait tout de même atteint les 10,4 millions de tonnes, soit 1 million de tonnes en dessous de la moyenne sur cinq ans. France AgriMer est plus optimiste quant à la récolte actuelle puisqu’elle pourrait atteindre les 12,3 Mt, selon l’établissement français, en raison de la hausse des surfaces attendues. Les conditions de cultures restent toutefois à surveiller pour assurer ces niveaux de productions.
Rebond du colza
La volatilité est de retour sur le marché du colza. Le Fob Moselle affiche un rebond net sur la semaine de 9 €/t, pour désormais atteindre 432 €/t.
Si les fondamentaux propres au marché du colza en Europe ont peu évolué, le regain de tension sur les huiles végétales suffit pour ramener de l’incertitude sur le Vieux Continent. L’huile de palme, leader dans la hausse du complexe oléique depuis quelques jours maintenant, apporte un soutien considérable à ses homologues européennes. Les stocks de palme faibles en Malaisie, en Indonésie et chez les pays importateurs redirigent la demande de palme dans le monde et en Europe vers les huiles de colza et tournesol.
Si les disponibilités à court terme sont suffisantes sur le marché local, le regain de demande à moyen terme tend la situation. En effet, la faible compétitivité du palme en Europe fait pression sur les flux d’importations et ce manque de disponibilités inquiète à moyen terme.
Les besoins en colza et en tournesol semblent ainsi grandir de semaine en semaine. Face à cela, les bonnes disponibilités de la graine d’ici à la fin de la campagne limiteront les potentiels de hausse. En revanche, les potentiels de production de colza pour la prochaine campagne sont déjà scrutés attentivement après le repli des surfaces semées l’été dernier. Les périodes cruciales pour les cultures sont encore devant nous et la météo des prochaines sera déterminante pour l’évolution des cours.
Soja : nouveau repli des cours
Si les marchés oléagineux ont repris des couleurs ces derniers jours, la tendance baissière reste de mise sur les prix des tourteaux de soja en France, en nouvelle baisse de 4 €/t, à 442 €/t, en spot délivré Montoir. La semaine a été marquée par la publication du rapport du ministère de l’Agriculture américain (USDA).
Les principales incertitudes portent du côté de la production brésilienne de soja. Si les récoltes se terminent, la sécheresse du début de cycle et les rendements hétérogènes incitent les analystes locaux à revoir leurs estimations de production en baisse. Le Conab (organe d’approvisionnement national dépendant du ministère de l’Agriculture brésilien) a ainsi revu son chiffre en baisse de 2,5 millions de tonnes, à 146,9 millions de tonnes cette semaine, soit 8 millions de tonnes en dessous de l’USDA.
Dans le même temps, l’office américain (USDA) opte pour une accélération des flux entre la Chine et le Brésil, avec une hausse de 3 millions de tonnes des importations du premier et des exportations du second. Les achats chinois devraient rapidement s’accélérer dans les prochains mois. Les stocks chez les principaux exportateurs se tendent très légèrement tandis que les regards se tournent également vers les États-Unis. Si l’USDA n’a pas modifié ses bilans, les ventes de soja américain devraient continuer de ralentir afin de laisser la place aux disponibilités sud-américaines sur le marché mondial. En nouvelle campagne, il sera intéressant de suivre l’évolution des surfaces, à l’heure où le ratio soja/maïs est toujours autour de 2,5, favorable à une hausse des emblavements en 2024. Enfin, du côté de l’Europe, les disponibilités de graines permettent une activité de trituration toujours dynamique, aussi bien en soja, qu’en colza ou en tournesol.
À suivre : Vague de chaleur en Inde, conditions de cultures au Brésil, niveau record du commerce mondial de blé au mois de février, production canadienne de colza, rebond de l’huile de palme.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
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